Les évènements de Chalvet
La Grève de Février 1974
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Le 14 Février
Lors de la grève de Février 1974, alors que des négociations se poursuivent dans différents secteurs entrés en lutte, les travailleurs agricoles se heurtent à l’intransigeance des békés.
Le 13 Février, lors de la commission paritaire de la banane et de l’ananas, les patrons proposent 32 Francs au lieu des 35,46 Francs réclamés par les ouvriers.
La poursuite de la grève est décidée, de même que la poursuite des discussions avec le patronat.
Le 14 Février, un groupe d’ouvriers qui, la veille, avait participé à la réunion paritaire sans résultats, passe d’une habitation à l’autre pour expliquer la nécessité de maintenir la grève pour imposer aux békés le respect des revendications.
Les évènements de Chalvet
Au lieu-dit Chalvet à Basse-Pointe, les grévistes sont brusquement encerclés par 200 gendarmes qui sans sommation ouvrent le feu, relayés par un hélicoptère qui depuis le ciel bombarde les travailleurs. Le bilan est lourd : un tué en la personne d’Ilmany RENOR et 5 blessés graves.
Ilmany RENOR, originaire du Lorrain, avait 55 ans. Parmi les blessés : Guy CRETINOIR, Robert CYRILLE, François ROSAZ, Henri RASTOCLE.
Témoignages, Récits et Presse locale
- Récit d’un ouvrier agricole : Lire plus
- Témoignage d’une ouvrière agricole : Lire plus.
- Récit de France-Antilles : Lire plus.
Dès le début de la matinée du 14 Février, ce groupe de grévistes de l’Habitation Vivé avait quitté le Marigot pour se diriger vers Basse-Pointe. Un premier affrontement avait lieu avec les gendarmes à Charpentier. Mais l’encerclement et le drame se produisent plus au Nord, à Chalvet, au milieu de champs d’ananas, dans une zone pratiquement à découvert où l’hélicoptère avait tout le loisir de survoler en rase-mottes et de semer force grenades lacrymogènes.
Le 15 Février, 4000 personnes défilent à Fort-de-France pour dénoncer la sanglante agression de la veille. […]
Le lendemain, 16 Février, le corps torturé d’un jeune ouvrier agricole, Georges MARIE-LOUISE, est retrouvé abandonné sur une plage non loin de l’Habitation Chalvet. La consternation et l’indignation gagnent toute la Martinique et les manifestations reprennent de plus belle dès le Lundi 18 Février.
Les enterrements d’Ilmany RENOR et Georges MARIE-LOUISE seront des évènements empreints d’émotion et où se pressera une foule énorme.
La solidarité autour du mouvement
Le mouvement de solidarité grandit en Martinique et à l’extérieur. En Guadeloupe, en France, ce sont des centaines de milliers de tracts de soutien qui sont distribués et une somme importante collectée par des organisations anti-impérialistes et l’AGEM (Association Générales des Etudiants Martiniquais en France) est convoyée en Martinique.
Comment s'achève cette grève ?
Le 19 Février, un protocole d’accord est signé entre les patrons et la CGT.
Ce protocole prévoit :
- 35,50 Franc pour 8 heures de travail
- Le paiement des heures supplémentaires
- Pas de licenciement pour fait de grève
- Interdiction d’augmenter les tâches actuelles
Cet accord qui ne prend pas en compte les 11 points de revendication des travailleurs agricoles […] vient en contradiction avec la question de l’application du SMIG à l’agriculture puisque le montant signé par la C.G.T., bien que supérieur au 35,46 Francs demandés par les ouvriers demeure un salaire conventionnel propre à l’agriculture. De ce fait, il ne sera pas automatiquement augmenté chaque fois que le SMIG appliqué dans l’industrie et le commerce le sera.
Le mouvement ouvrier agricole
La grève des ouvriers agricoles de janvier-Février 1974 inaugure une nouvelle page dans l’histoire du mouvement ouvrier de la Martinique. Elle marque le réveil des campagnes après de longues années sans lutte : en effet, la dernière grande grève dans le secteur agricole date de 1961 à une époque où la société de plantation structurée autour des champs de cannes et de l’usine était encore la réalité principale de notre pays.
Les années 69 sont plutôt caractérisées par le développement du secteur tertiaire et de la consommation. Les ouvriers agricoles rappellent qu’ils existent encore et qu’ils représentent une réalité de type tiers mondiste en Martinique.
Malgré la présence active de militants intellectuels aux côtés des ouvriers, la grève reste pour l’essentiel un mouvement spontané : seules quelques habitations au Lorrain et au Robert sont organisées alors que sur toutes les autres exploitations, c’est par la pression de la grève marchante que les travailleurs rentrent dans la lutte. […]
Les ouvriers les plus conscients ont tiré un bilan de la grève de Janvier-Février 1974.
- Faible niveau d’organisation des ouvriers sur les habitations
- Absence de cadres ouvriers
- Mais aussi une expérience riche en enseignements, au-delà des sacrifices extrêmement lourds
En décembre 1974, c’est la naissance de l’UTAM (Union des Travailleurs agricoles de Martinique), devenue aujourd’hui l’UGTM Travailleurs agricoles.
Source: "la grève de Janvier-Février 1974" MH LEOTIN, agrégée d'Histoire