La Grève de Février 1974
L’année 1974 voit une situation économique générale se dégrader en Martinique.
La grève éclate le 17 Janvier 1974 sur l’habitation Vivé au Lorrain à partir d’un problème de licenciement lié à la restructuration de l’habitation. Elle connaîtra d’abord une extension régionale sur les habitations voisines d’Assier et de Fonds Brûlés et l’on verra apparaître une première structure de lutte : le Comité de grève des habitations Vivé – Assier – Fonds Brûlés.
L'organisation des ouvriers
Progressivement et parallèlement à l’extension de la grève, le mouvement se structure permettant :
- la création du Comité de grève des travailleurs agricoles de la Martinique
- l’élaboration d’une plateforme revendicative en 11 points inspirée pour partie des discussions préalables entre les ouvriers du Lorrain et pour partie des syndicalistes de la C.G.T. qui à l’annonce du déclenchement se sont portés au devant des ouvriers en lutte.
Les revendications
- 35,46 Francs pour une journée de travail de 8 heures
- Paiement effectif des heures supplémentaires (5,54 Francs)
- Paiement intégral du salaire à la fin de chaque semaine : pas de retenue
- Suppression totale des produits toxiques
- La pause de midi de 12h à 13h sur toutes les habitations ainsi qu’un quart d’heure pour le repas du matin
- Pas de licenciement injustifié : du travail pour tous
- Amélioration des conditions de travail dans les hangars (tabliers, gants bottes)
- Suppression du travail à la tâche dans l’aubergine et dans l’ananas
- Suppression totale des tâches
- Respect des droits syndicaux sur l’habitation
- Paiement des congés payés exigibles en Juillet
La propagation du mouvement
La grève marchante, se déplace d’habitations en habitations, pour expliquer, convaincre, rallier les hésitants. Il n’y a pas de syndicat qui mène officiellement la grève, mais un Comité de Grève des travailleurs agricoles de la Martinique. Le Nord-Atlantique est touché dès les premiers jours, du Lorrain à Grand-Rivière. Entre le 23 Janvier et le 8 Février, le centre et le sud sont touchés : Robert, Trinité, Sainte-Marie, Marigot, Lamentin, François, Saint-Joseph, Rivière-Pilote.
Le communiqué des autorités préfectorales : Lire plus.
La réaction patronale
Un « Comité pour le maintien de la banane » appelle les ouvriers à reprendre le travail, estimant les revendications suicidaires pour la profession. Le ton est donné. Le conflit risque d’être dur…
Le communiqué de la SICABAM : Lire plus.
Le soutien à la grève
Pour soutenir la grève est créée l’UPSOA (Union Patriotique de Soutien avec les ouvriers agricoles), structure de coordination qui travaille en étroite collaboration avec le comité de grève. L’UPSOA regroupe des organisations nationalistes, patriotiques ou marxistes léninistes telles que le GS 70, le GAP, les Marronneurs, le Rassemblement de Saint-Joseph, l'union des comités d’action des enseignés (UCAEM), les patriotes du Sud. Sa tâche essentielle est de populariser le mouvement de grève, d’apporter un soutien politique et financier. C’est dans ce cadre que se tient un meeting au bourg de Rivière-Pilote avec le soutien de la municipalité.
Vers la grève générale
Parallèlement, le malaise social qui couve dans de nombreux secteurs économiques éclate au grand jour. La CGTM (Victor LAMON), la CFDT (Line BEAUSOLEIL), la CGT-FO (Frantz AGASTA), la FEN préparent depuis plusieurs mois un mouvement de grève générale qui est fixé au 12 Février.
Les principales revendications portent sur la vie chère, la baisse du pouvoir d’achat, le sous-emploi l’alignement de la législation sociale et salariale sur celle de la France, l’augmentation des allocations familiales et l’allocation logement. Revendications anciennes comme celles qui relèvent de l’égalité sociale en vertu de la loi d’assimilation de 1946, ou revendications plus immédiates liées à la hausse des prix.
La grève générale se traduit par une immense manifestation qui rassemble plus de 4 000 personnes dans les rues de Fort-de-France. Les syndicats eux-mêmes sont surpris par l’ampleur de la mobilisation. Ouvriers du bâtiment, dockers, travailleurs de l’industrie, employés des administrations, enseignants, lycéens, ils sont tous dans la rue. Un tract signé d’un groupe de dockers avait apporté son soutien aux ouvriers agricoles, mais la grève sur les habitations et le mouvement qui se déroulent en ville sont parallèles, sans qu’on puisse les confondre.
Une centaine d’ouvriers agricoles descendus à Fort-de-France ont manifesté sous leur propre banderole le 12 Février, mais Ils n’ont pu prendre la parole lors du meeting de clôture à la maison des syndicats.
La tension continue à monter après cette journée du 12. Des bruits de pillage de magasins, les rumeurs les plus folles circulent en ville. Des renforts de gardes mobiles débarquent de Guadeloupe et de Guyane. Des camions de l’armée stationnent en ville. Des Jeeps de gendarmes accompagnent les ouvriers agricoles, d’habitations en habitations, hangars après hangars, ceci, il faut le dire, dès les premiers jours de la grève.
Source: 'la grève de Janvier-Février 1974' MH LEOTIN, agrégée d'Histoire